« Aller en Corse en voilier, plutôt qu’en ferry, je me suis dit que ça allait être l’horreur ! Qu’on allait se faire suer et pas pouvoir bouger pendant vingt-quatre heures à bord d’un truc d’à peine dix mètres de long ! » Pour Chloé, l’idée d’embarquer pour un Saint-Raphaël-Calvi à voile plutôt que sur une ligne régulière, c’était le cauchemar. Mais son mari « ne veut plus prendre l’avion du tout », par principe écologique, explique celle qui a accepté de partir pour un road trip à vélo cet été, alors qu’elle est rétive au moindre effort sportif.
Le mari de Chloé n’est pas marin et ne possède pas de voilier, mais il a lu un article sur le lancement de la coopérative Sailcoop, qui propose une traversée la plus décarbonée du marché entre le continent et l’île de beauté. Car si la compagnie Corsica Ferries a bien opéré un essai depuis Toulon avec un biocarburant en 2023, la réduction des émissions à effet de serre n’est estimée qu’à 20 % par rapport à un carburant marin. On est loin des bons résultats d’une propulsion vélique… Voilà pourquoi ils ont décidé de tenter l’aventure et d’embarquer sur un voilier.
À LIRE AUSSI La Suède, championne des vacances décarbonéesL’odyssée de Chloé pour atteindre Calvi, c’est un trajet de 18 à 22 heures, en fonction du vent, versus 7 à 8 heures en ferry. C’est aussi une nuit à bord, la vie ramenée à l’essentiel, le grand large et rien à l’horizon. Au final, elle ne regrette pas. « Je me suis rendu compte que le cerveau s’adapte. Je suis rentrée dans une sorte de mode contemplatif, explique-t-elle. On se met complètement à l’écoute de ce qui nous entoure, c’est un autre espace-temps, et ça a été pour moi complètement dépaysant, déconnectant. J’ai eu l’impression de partir en vacances alors que c’était juste un long week-end. »
La voile, une aventure hors du temps
Si Chloé et son mari ont choisi de voyager en voilier, certains vont plus loin et choisissent de passer leurs vacances sur un voilier. C’est le cas d’Alexandre et de sa famille, qui rentrent au port des Sables-d’Olonne après une semaine en mer. « Faire de la voile est l’une des plus belles philosophies de la vie, confie le skippeur. Quand on ne peut pas y aller, on n’y va pas. C’est aussi simple que ça. »
Alexandre est un Parisien, quadragénaire, consultant en stratégie reconverti, avec une taille de plus d’un mètre quatre-vingt-dix à faire tenir dans une cabine. Il a embarqué dans l’aventure son frère cadet, Aurélien, et son épouse Laureen, trentenaires, jeunes mariés, venus d’Aix-en-Provence pour l’occasion, et les parents, un couple formé à La Réunion, installé à l’année aux Sables depuis la retraite. C’est Christian, le père septuagénaire, qui a formé ses fils à la voile dès l’enfance.
À LIRE AUSSI Traverser l’Europe en train : « C’est une aventure de s’endormir dans un pays et de se réveiller dans un autre » Pour Laureen, ce séjour sur un voilier est une première. Pas pour Christian, qui pour autant n’est pas propriétaire du bateau. Ce dernier arrive sur le ponton pour, comme à l’hôtel, faire le check-out. Il s’agit d’un ancien restaurateur parisien étoilé, reconverti dans une coutellerie à Tiers, qui, après l’épreuve d’un problème de santé majeur, s’est offert il y a deux ans un voilier Beneteau flambant neuf. Qu’il loue via une plateforme, Click & Boat.
Partir en mer en un click ? C’est ce que propose la société Click & Boat, qui va fêter ses dix ans. Les fondateurs et dirigeants, Édouard Gorioux et Jeremy Bismuth, deux amoureux de la mer et de la navigation, ont démarré avec l’idée qu’il manquait un chaînon entre ceux qui veulent louer un bateau et ceux qui en possèdent. En créant leur plateforme de réservation en ligne en 2014, avec accès aux avis des précédents clients pour comparer les prix et échanger avec les propriétaires, ils espéraient démocratiser la pratique.
Le bateau, et la voile, en particulier répondent aux nouvelles attentes des vacanciers
Et puis la pandémie est arrivée. « Les gens ont été confinés… Aussi, dès qu’ils ont pu sortir, ils ont voulu découvrir d’autres types de pratiques de vacances, en huis clos, en famille, entre amis, en connexion avec la nature… Le bateau, et la voile en particulier répondent aux nouvelles attentes des vacanciers », analyse Édouard Gorioux. Les professionnels ont ainsi constaté un pic de demande pour la location de bateau à partir de 2020. Click & Boat a profité de cette dynamique de marché ; leur activité a crû de 40 à 45 % cette année, par rapport à 2022. Les deux entrepreneurs se trouvent désormais à la tête d’une entreprise de 250 personnes, et d’une flotte de plus de 50 000 bateaux dans une centaine de pays.
Dans le même temps, le marché des bateaux de plaisance explose. Résultat : les acquéreurs doivent désormais s’armer de patience pour la livraison de leur yacht. Même chose en ce qui concerne le marché du bateau d’occasion : on assiste, depuis la pandémie, à une augmentation massive du nombre de transactions et des prix. La hausse était de 31 % en 2020, avec 79 677 bateaux ayant changé de propriétaires. En 2021, ce nombre est passé à 115 895 !À LIRE AUSSI Et si « l’hospitalité régénérative » était l’avenir du tourisme ? Si les personnes qui louent un bateau à moteur le font pour une excursion qui ne dépasse pas la journée, les loueurs de voilier ou catamaran préfèrent prendre leur temps avec une durée moyenne d’une semaine. Le bateau devient un lieu d’habitation, un moyen de se déplacer et de découvrir les alentours du port de location (pour, en moyenne, 2 500 euros la semaine). « Le plus, c’est d’ajouter un skippeur professionnel, comme prestation, explique Édouard Gorioux. C’est un bon moyen de démocratisation de la plaisance. Bon nombre de nos clients commencent par louer une première fois avec un skippeur, puis une deuxième fois, et se forment pour devenir autonomes. »
Aux Sables-d’Olonne, pas besoin de skippeur. Alexandre a déjà été chef de bord durant plusieurs croisières entre amis. Tout s’est bien passé. Même si la famille a dû changer ses plans. Ils visaient la Bretagne, Belle-Île, mais pour cause de vents contraires, ont dû pointer vers le sud : l’île d’Oléron, La Rochelle, Ré et l’île d’Yeu. Au programme, six à huit heures de navigation par jour, quelques nuits à l’abri dans des petits ports et aussi une navigation nocturne. Un « moment de tension » prisée par Alexandre, puisque « la mer devient une masse noire, l’horizon disparaît, on perçoit alors tous les bruits. Cela donne l’impression d’avancer dans un nuage ! ».
Laureen, pour son baptême de mer, a particulièrement aimé aller là où nul chemin ne mène. « Si c’est accessible par la route, ça perd tout son charme », note-t-elle. La « rupture de rythme » liée au déplacement à voile, « le calme » de la vie sur l’eau font le charme de ces vacances atypiques. Le côté « dépassement de soi » pour Alexandre, le choix de « prendre le risque de l’aventure » pour Aurélien, de se sentir « tout petit », de savoir que « si on se plante on peut y rester » ont ajouté du sel (marin) au périple. Les frères voulaient « retrouver l’esprit de famille », c’est chose faite et, lorsqu’on s’éclipse pour les laisser savourer leur premier dîner à terre, ils sont déjà en train d’évoquer leur prochaine expédition…
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