Roxanne Bouchard aime écumer les quais de Gaspésie, immense péninsule du bout du Québec, baignée par la mer et le fleuve Saint-Laurent. Peu importe si, comme le dit un de ses personnages, « Traîner sur les quais, ça revient un peu à courtiser les pêcheurs. » Les anecdotes qu’elle recueille servent à donner à ses romans un fort accent de vérité, baigné par le vent du large et l’atmosphère salée.
Nature et rieuse, la romancière de 51 ans ne doit pas avoir beaucoup de mal à susciter les confidences qui irriguent Nous étions le sel de la mer et La mariée de corail , récit des enquêtes de son héros, l’inspecteur Moralès. D’autant qu’elle n’hésite pas à mettre les mains dans le cambouis des moteurs et les filets de pêche, elle qui a su apprivoiser un milieu dont elle ne faisait pas partie.
Des cours de mécanique diesel
Native de Saint-Jérôme, dans la région des Laurentides, Roxanne Bouchard vit à Joliette (70 km de Montréal), où elle a passé une partie de sa jeunesse. Elle y enseigne la création littéraire en Cégep, établissement-sas entre le lycée et l’université. Elle est arrivée au monde de la mer par une déception amoureuse, en 2006. À l’époque, elle se sépare d’un musicien du groupe folk Les charbonniers de l’enfer. « Toutes mes vacances, j’embarquais dans leur autobus. Je me suis demandé ce que j’allais faire désormais. Comme j’en avais toujours eu envie, j’ai acheté un cours de voile sur le Saint-Laurent. Il faisait froid, il a plu, j’ai adoré. C’est comme ça qu’a commencé mon histoire d’amour.»
Pendant des années, elle navigue vers les Antilles ou la Gaspésie. « Je proposais mes services. J’étais prête à faire n’importe quoi pourvu que j’apprenne. J’ai embarqué avec plein de gens.» Elle prend même des cours de mécanique diesel.
Au fil du temps, elle découvre la Gaspésie, pays de pêcheurs, très touristique l’été. « Quand tu visites un pays par la mer, tu as un autre œil. Il y a tout un réseau de marins qui s’entraident.Les Gaspésiens, descendants d’Acadiens mêlés à des Anglophones venus de Jersey et des Amérindiens sont très accueillants. » Parfois, elle embarque pour la pêche au homard, au crabe des neiges, collectant ainsi des «histoires de mer.»
C’est à partir de là qu’elle imagine Nous étions le sel de la mer , prix Compagnie des pêches au festival Étonnants Voyageurs 2023, puis La mariée de corail, qui vient de sortir en France. Celui-ci s’ouvre par la mort en mer de l’une des rares patronnes de homardiers, à la fois jalousée et admirée. L’occasion, à travers les figures de pêcheurs bruts de décoffrage, les chicanes d’un monde clos, les conflits autour des moratoires ou des zones de pêche, d’une plongée haute en couleur et en suspense dans un milieu qui est aussi très misogyne. « La mer, ce sont des métiers d’hommes. J’aime m’installer dans un monde apparemment macho. En même temps, j’ai été bien accueillie dans leurs confidences. »
Elle n’idéalise rien, mais ce microcosme lui offre « une toile de fond extraordinaire ». « J’adore qu’on m’en mette plein la vue avec des histoires ! Par exemple, l’anecdote que je raconte, sur ce bateau qui prend feu et termine en feu d’artifice, parce que toutes les fusées de détresse ont explosé. » Elle sourit en se remémorant les pêcheurs qui accusent les Amérindiens de mettre leurs trappes à homards dans leurs spots de pêche, « Et vice-versa ! » Ses livres sont écrits dans une langue savoureuse, un parler québécois qu’elle adore, « un français littéraire avec une rythmique jazz blues américaine. »
Au défi d’écrire un roman
Arrivée par les chemins de traverse en Gaspésie, la romancière déroule un parcours guidé par le hasard. Fille d’une enseignante et d’un contremaître qui ont bifurqué pour ouvrir un foyer pour handicapés, « Nous étions 14 à la maison ! », elle a opté pour des études de littérature mais ne se voyait pas artiste. « C’est mon correspondant belge, Xavier Percy, qui est devenu acteur, qui m’a mise au défi d’écrire un roman ! » Ce sera Whisky et Paraboles, l’histoire d’une jeune femme partie se ressourcer au fond des bois. Un coup de maître qui obtient un prix important, le prix Robert Cliche, en 2005.
D’autres romans suivront, jusqu’à une étape décisive. En 2004, elle avait entamé une correspondance avec un soldat canadien en Afghanistan, fan de son ami musicien. « Nous lui avions dit que nous étions antimilitaristes. Lui m’a répondu qu’il était en train de protéger une école dont l’enseignante avait été décapitée… » En terrain miné, publication de leur correspondance, lui ouvrira les portes du monde militaire et débouchera sur un recueil de récits de guerre, Cinq balles dans la tête.
Aujourd’hui, Roxanne Bouchard enseigne moins et travaille à des adaptations théâtrales. Elle s’est acheté un camping-car, ne navigue plus et préfère randonner en montagne avec son amoureux, un ancien thanatologue. Mais elle poursuit la série des Moralès et arpente toujours les ports de Gaspésie, où elle garde de nombreux amis.
La mariée de corail, L’Aube noire, 449 pages, 21,90 €.
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