Thomas Coville et Thomas Rouxel (Sodebo Ultim 3), 4èmes à Fort-de-France
Thomas R : On est fatigués, la course a été dure, très dure. On est forcément très content aussi, c’est toujours sympa d’arriver en Martinique, on a eu une super journée de navigation aujourd’hui, on s’est régalés…
Thomas C : Moi aussi, j’aime bien arriver en Martinique, parce que les Antilles, ce sont des gens qui sont un peu comme les marins. Ils ont toujours un peu peur qu’on les oublie, ils ont peur de ce qui pourrait leur arriver – il y a trois semaines ici, un cyclone menaçait … En mer on sent toujours cette tension et ça, un métropolitain ne pourra jamais le comprendre.
On est une génération bénie des dieux de pouvoir naviguer sur les cinq plus belles machines qui existent sur la planète et on fait partie des 10 skippers qui ont le droit de connaitre ça. C’est fabuleux. Félicitations à Armel et Jojo qui attendaient ça depuis longtemps et ont déroulé un match fabuleux. Merci à l’organisateur, parce que lancer une course dans les conditions du départ du Havre, c’était couillu…
Thomas R : On est parti dans des conditions météo difficiles et ensuite il y a eu plein de transitions, un vent hyper instable et des adversaires qui ont poussé le niveau très très fort. On a du tout le temps se mettre au niveau et c’était vraiment dur.
Thomas C : Nous avons mis le bateau à l’eau après des modifications importantes et on manquait d’entraînement. On avait un trou dans la raquette en performance au départ, mais avant qu’on ait cette avarie à l’entrée du Pot au noir, on avait une heure et demi de retard seulement sur François, on avait plutôt bien géré.
Cette avarie nous a secoué. C’est le plan porteur du safran tribord qui a été cisaillé par un OFNI. Je ne l’ai pas dir, mais c’était un secret de polichinelle pour ceux qui ont les traces sous les yeux. Et puis c’était très tôt dans la course et il pouvait arriver d’autres choses aux autres…
Quand j’ai senti le choc et que j’ai compris, j’ai hurlé et si je retiens un moment c’est d’avoir trouvé Thomas en sanglots dans le cockpit. Je l’ai pris dans mes bras, on savait que la course basculait là. Ce sont des moments de fraternité incroyables.
(…)
On prend cette quatrième place comme des athlètes déçus. Lorsque tu es compétiteur, si tu ne dis pas au départ que tu vas chercher la victoire, il faut rester à la maison. On n’a jamais pu vraiment profiter des modifications faites sur le bateau pour le range près dans le medium car lorsqu’ on est arrivé sur le bord où c’était utile, on avait déjà eu notre avarie… Mais on a beaucoup appris.
Anthony Marchand et Thierry Chabagny (Actual Ultim 3), 5èmes à Fort-de-France
Anthony : Oui, c’est le bonheur d’arriver après 9000 milles. La Route du café, c’était l’équivalent de deux transats pour les ULTIM, un tiers de tour du monde. Ce n’est pas anodin de passer autant de jours à 100% sur ces machines-là.
Thierry : 16 jours en ULTIM d’affilée, c’est un peu du jamais vu. Pour moi en double, c’était une première, une expérience magique grâce à Anthony et au Team Actual. Sur le fil du rasoir autant de temps, c’est prenant, chaque seconde se vit pleinement et forcément quand on arrive ici, il y a un peu de relâchement.
Anthony : Nous n’avons rien à regretter. On a poussé la machine à 100%, on s’est battu jusqu’au bout. Après, faire quatrième ou troisième, ça aurait été mieux c’est sur. Mais on termine cinquième d’une belle manière. Je ne pense pas qu’il y a beaucoup d’endroits où on a des regrets, aussi bien stratégiquement que sur la marche du bateau. On n’avait pas eu beaucoup de temps pour tester les nouveaux foils. Là, on a vu qu’ils étaient costauds et on continue d’apprendre à bien les régler. On sent qu’il ya du potentiel et que ça nous fait avancer plus vite. Ce n’est que du positif, ça rebooste la machine.
Pendant toute la course, j’ai ressenti beaucoup de responsabilité. Vis à vis du partenaire, de la quinzaine de personnes de l’équipe. On te donne les clefs d’une grande machine comme ça et je suis content de l’avoir ramené comme on l’a fait, sans gros pépin même si on a tapé quelque chose de dur sur la dérive à 100 milles de l’arrivée
Je me projète encore plus sur le Tour du monde. Ces plateformes sont fiables, faites pour abattre des milles, naviguer. A part des petits pépins, on ne déchire pas de voiles, on ne démâte pas, il n’y a pas de fissure… J’ai hâte de me reposer, mais hâte aussi d’y aller !
Thierry : Est ce que le bonhomme est fait pour faire ça ? Moi, je me suis posé la question de faire un tour du monde, mais je ne dois pas être câblé comme Anthony…
Anthony : Tu serres un peu les fesses mais je n’ai jamais eu peur sur le bateau.
Et on ne naviguera pas de la même manière non plus en solitaire. Là, jusqu’à 30 noeuds de vent, tu as tout dessus, grand gennaker, GV haute, J2 en stay sail…
Thierry : On retiendra de cette course le départ qui était sur des chapeaux de roue. On partait à fond la caisse sans trop savoir où passer au raz Blanchard. Deux heures avant, tu es à l’hotel et après tu te retrouves à la barre du truc, lancé à fond, je commençais déjà à regretter un peu (rires). … Pour Antho, tout semblait aller bien alors je me suis dit, allons-y ! Tu te concentres sur les manoeuvres, tu essaies d’anticiper et trouver la bonne mesure pour naviguer en sécurité sans se faire décrocher. Le passage de l’île de l’Ascension était aussi assez fort. C’est tellement petit sur la carte que dès que tu dézoomes, ça disparait. Au final, l’île était assez jolie à regarder. Ça n’a duré qu’une demi-heure, une heure, mais c’était sympa de trouver un caillou paumé comme ça au milieu de rien qui n’intéresse personne. Et puis l’arrivée, bien sur, franchir la ligne, retrouver les odeurs de la terre et ce relâchement.
Anthony : La course a consacré de magnifiques vainqueurs. Ils ont très bien navigué, on est content pour eux. La bagarre était belle avec SVR Lazartigue, on suivait ça sur l’écran, c’était passionnant. C’est bien aussi pour la classe car ça régate (…)
A mes côtés, Thierry était la personne parfaite pour faire cette course. Tout a toujours été fluide. Nous sommes complémentaires, assez synchro sur la manière de naviguer. Sur la ligne, je lui ai dit que j’étais heureux de l’avoir fait avec lui et je lui ai même fait un bisou sur le front !
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